Manifestation scientifique du Groupement d'Intérêt Scientifique : Innovation, Interdisciplinarité, Formation
22-22 nov. 2019 Aubervilliers (France)
Le design fiction comme méthode d'enquête critique en éducation aux médias
Géraldine Wuyckens  1@  
1 : UCLouvain, Institut Langage et Communication, Groupe de recherche en médiation des Savoirs
14 Ruelle de la Lanterne Magique, 1348 Louvain-la-Neuve -  Belgique

Le design fiction est une méthode utilisant la narration pour imaginer les futurs possibles des technologies. L'auteur de science-fiction Bruce Sterling le définit comme « l'usage délibéré de prototypes diégétiques pour suspendre l'incrédulité face au changement » (Bosch & Fritcke, 2012; ma traduction). Les prototypes diégétiques sont des objets et services qui existent seulement dans le monde de l'histoire, la diégèse. Un exemple assez connu est celui de l'interface gestuelle que l'on retrouve dans le film Minority Report (2002). En plus d'être fortement présent dans la culture populaire, le design fiction est utilisé dans la recherche et le design pour concevoir les futurs produits et services. La narration est utilisée pour envisager les implications sociales, culturelles, économiques, politiques et éthiques de l'implémentation de l'objet dans la société future imaginée (Tanenbaum, 2014). Il ne s'agit donc pas uniquement de réfléchir aux caractéristiques techniques de l'objet mais également de questionner notre relation avec la technologie (Mitrovic, Golub, & Šuran, 2015).

Par ses caractéristiques, le design fiction est une méthode particulièrement intéressante à mobiliser en éducation aux médias. Elle permet de repenser notre relation aux nouvelles technologies et de réfléchir à notre impact plus global sur la société. C'est dans ce cadre que je propose d'utiliser dans ma thèse le design fiction comme méthode d'enquête critique en éducation aux médias, soit comme une méthode permettant aux élèves de poser des questions pertinentes sur les technologies et les médias numériques, dans l'objectif de développer leur esprit critique (Kellner & Share, 2005). Je mobilise ainsi la théorie d'enquête de John Dewey (1938) et envisage l'enquête comme un type de questionnement systématique qui sous-tend le processus éducatif, où les citoyens sont amenés à adopter une attitude scientifique envers toute chose, à l'opposé d'une attitude non-critique (Cospérec, 2018). Pour le dire autrement, il s'agit dans le cas du design fiction d'encourager les élèves à développer une réflexion à la fois sur leurs propres pratiques et sur leur impact à l'échelle sociétale dans la reproduction des idéologies, les représentations médiatiques et les modèles de production. La recherche s'inscrit ainsi dans la littératie médiatique critique « qui met l'accent sur les enjeux de genre, de classe sociales, de race et de sexualité associés aux médias, et vise à sensibiliser l'apprenant sur le fonctionnement de l'idéologie, du pouvoir et de la domination » (Landry & Basque, 2015, p. 54).

En pratique, la méthode d'enquête critique prend la forme d'un module pédagogique divisé en plusieurs sessions au cours desquelles les élèves sont invités, entre autres, à créer un artefact fictif, à le contextualiser dans un avenir proche et à discuter de ses implications dans la société future imaginée. Cette année, j'ai conduit une phase exploratoire dans des écoles primaires et secondaires où une version semblable du module a été testée par des éducateurs spécialisés dans l'éducation aux médias. A l'occasion de la journée des jeunes chercheurs, j'aimerais présenter les résultats de mes observations en classe et proposer une nouvelle version du module pédagogique.



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